Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Florent Piard, restaurateur : « Je voulais retrouver les produits que j’achetais avec mon grand-père, définir ce qu’était réellement un bon haricot, une viande de qualité »

Ma première carrière m’a démotivé très tôt. Après une école de commerce à Lille, j’ai travaillé dans le secteur des fusions-acquisitions à Londres et à Paris pendant cinq ans. Cela m’a donné une méthode de travail qui m’a bien servi par la suite, mais cela ne m’inspirait pas du tout. A 29 ans, avant de fonder une famille, de m’endetter et de me retrouver prisonnier d’un système qui ne me convenait pas, j’ai décidé de changer de cap. Je n’avais pas la fibre culinaire, mais j’avais de nombreux liens avec le monde paysan.
Enfant, j’ai passé toutes mes vacances en Normandie, chez mes grands-parents, avec des copains fils de fermier, à bouger les vaches d’un enclos à l’autre, à monter sur les tracteurs, à plumer les volailles. Mine de rien, ces expériences ont influé sur les choix que j’ai faits par la suite. Durant l’été 2015, après avoir obtenu une rupture conventionnelle, j’ai eu l’idée de faire quelque chose en lien avec l’agriculture paysanne. Je voulais retrouver les produits que j’achetais avec mon grand-père, définir ce qu’était réellement un bon haricot, une viande de qualité.
Pendant un an et demi, je suis allé de ferme en ferme à la rencontre de producteurs, pour comprendre leur fonctionnement, leurs besoins, leurs freins. Je passais parfois une journée entière dans un établissement, j’ai observé tout le spectre des métiers agricoles : maraîcher, éleveur, paludier, pêcheur, vigneron… J’ai découvert à quel point le monde de l’agriculture est divers, à quel point les choix qui étaient faits avaient une conséquence sur la qualité des produits… C’est toute une vision du monde qui a bouleversé ma vie.
J’ai eu envie de monter un restaurant qui travaille en direct avec tous ces gens. Nous avons ouvert Les Résistants en 2017. Par chance, le restaurant s’est rempli tout de suite. Deux ans plus tard, une équipe de l’association Slow Food International est venue étudier notre système et notre bilan carbone, prouvant qu’un restaurant qui ne fait aucun compromis sur la provenance de ses produits émet cinq fois moins de gaz à effet de serre qu’un établissement traditionnel.
Nous travaillons avec plus de cent cinquante fermes indépendantes autour de principes-clés : la mise en avant des petites structures et élevages extensifs, la valorisation des espèces locales et rustiques, des semences paysannes… C’est un écosystème vertueux pour les agriculteurs, les restaurateurs et les consommateurs. L’idée est que chacun s’y retrouve, que les producteurs soient rémunérés dignement pour leur travail et que les prix du restaurant soient accessibles.
L’épicerie nous permet d’écouler les surplus, de compenser les aléas saisonniers et de continuer à adapter nos menus aux arrivages. Parmi les produits emblématiques de notre restaurant, il y a le gwell, dit « gros lait », sorte de yaourt fabriqué avec du lait de vache Bretonne Pie Noir, que j’aime associer, l’été, à l’aubergine de Barbentane, une variété rustique, et une sauce vierge aux tomates anciennes et herbes fraîches. C’est simple, frais, nourrissant. Tout ce qu’il faut, juste ce qu’il faut.
Les Résistants, 16-18, rue du Château-d’Eau, Paris 10e.
Camille Labro
Contribuer

en_USEnglish